Là-bas de Joris-Karl Huysmans | Entre nous … et les autres !

Là-bas de Joris-Karl Huysmans

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Quand lors d’une exposition, mon amie me conseille de lire Là-bas de Joris-Karl Huysmans, je m’incline !

Il s’agit d’un roman paru en 1891 qui précède la conversion de l’auteur au catholicisme. Huysmans tourne définitivement le dos au naturalisme. Il introduit le personnage de Durtal (qui pourrait être lui-même) et l’astrologue Gévingey librement inspiré d’Eugène Ledos.

C’est l’histoire de Durtal, auteur parisien, décidé à écrire quelque chose sur Gilles de Rais, accusé au XVème siècle d’avoir violé et torturé des enfants. Au fil de son enquête, il rencontre Madame Chantelouve qui l’initiera aux messes noires. C’est aussi l’occasion de découvrir l’occultisme, l’astrologie, le spiritisme …

Un roman formidablement bien écrit, d’une modernité incroyable. À lire ABSOLUMENT !

Joris-Karl Huysmans (1848-1907), nom d’usage de Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d’art français.

« Tu y crois si bien à ces idées-là, mon cher, que tu as abandonné l’adultère, l’amour, l’ambition, tous les sujets apprivoisés du roman moderne, pour écrire l’histoire de Gilles de Rais — et, après un silence, il ajouta :

— Je ne reproche au naturalisme ni ses termes de pontons, ni son vocabulaire de latrines et d’hospices, car ce serait injuste et ce serait absurde ; d’abord, certains sujets les hèlent, puis avec des gravats d’expressions et du brai de mots, l’on peut exhausser d’énormes et de puissantes œuvres, l’Assommoir, de Zola, le prouve ; non, la question est autre ; ce que je reproche au naturalisme, ce n’est pas le lourd badigeon de son gros style, c’est l’immondice de ses idées ; ce que je lui reproche, c’est d’avoir incarné le matérialisme dans la littérature, d’avoir glorifié la démocratie de l’art !

Oui, tu diras ce que tu voudras, mon bon, mais, tout de même, quelle théorie de cerveau mal famé, quel miteux et étroit système ! Vouloir se confiner dans les buanderies de la chair, rejeter le suprasensible, dénier le rêve, ne pas même comprendre que la curiosité de l’art commence là où les sens cessent de servir !

Tu lèves les épaules, mais voyons, qu’a-t-il donc vu, ton naturalisme dans tous ces décourageants mystères qui nous entourent ? Rien. — Quand il s’est agi d’expliquer une passion quelconque, quand il a fallu sonder une plaie, déterger même le plus bénin des bobos de l’âme, il a tout mis sur le compte des appétits et des instincts. Rut et coup de folie, ce sont là ses seules diathèses. En somme, il n’a fouillé que des dessous de nombril et banalement divagué dès qu’il s’approchait des aines ; c’est un herniaire de sentiments, un bandagiste d’âme et voilà tout !

Puis, vois-tu, Durtal, il n’est pas qu’inexpert et obtus, il est fétide, car il a prôné cette vie moderne atroce, vanté l’américanisme nouveau des mœurs, abouti à l’éloge de la force brutale, à l’apothéose du coffre-fort. Par un prodige d’humilité, il a révéré le goût nauséeux des foules, et, par cela même, il a répudié le style, rejeté toute pensée altière, tout élan vers le surnaturel et l’au-delà. Il a si bien représenté les idées bourgeoises qu’il semble, ma parole, issu de l’accouplement de Lisa, la charcutière du Ventre de Paris, et de Homais !

— Mâtin, tu y vas, toi, répondit Durtal, d’un ton piqué. Il ralluma sa cigarette, puis : le matérialisme me répugne tout autant qu’à toi, mais ce n’est pas une raison pour nier les inoubliables services que les naturalistes ont rendus à l’art ; car enfin, ce sont eux qui nous ont débarrassés des inhumains fantoches du romantisme et qui ont extrait la littérature d’un idéalisme de ganache et d’une inanition de vieille fille exaltée par le célibat ! — En somme après Balzac, ils ont créé des êtres visibles et palpables et ils les ont mis en accord avec leurs alentours ; ils ont aidé au développement de la langue commencé par les romantiques ; ils ont connu le véritable rire et ont eu parfois même le don des larmes, enfin, ils n’ont pas toujours été soulevés par ce fanatisme de bassesse dont tu parles !

— Si, car ils aiment leur siècle et cela les juge !

— Mais que diable ! Ni Flaubert ni les de Goncourt ne l’aimaient, leur siècle ! »

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