Il est des expositions qui sont incontournables. Celle de Bill Viola, au Grand Palais jusqu’au 21 juillet prochain, en fait partie.
Bill Viola est un artiste américain né à New York en 1951 qui crée des installations monumentales. Enfin une exposition avec un artiste qui est toujours vivant. J’ai le pressentiment que je vais vivre autre chose ces prochaines heures : Où sui-je ? Qui suis-je ? Où vais-je ? Le thème de cette rétrospective.
La salle est grande, plongée dans la pénombre, un écran géant descendu du plafond est là , à ma portée et l’image est projetée de chaque côté. Je suis intriguée par ces images : un bassin dans un jardin qui tour à tour bouillonne et meurt, des humains marchent autour et disparaissent, un homme plonge mais ne tombe pas et se fond dans la nature. Et tout recommence, c’est « The Reflecting Pool ».
Le « clou » de l’exposition : quatre écrans géants dont un plus géant que les autres. Nous arrivons à nous asseoir sur un banc qui nous permet de regarder chaque écran en essayant de ne rien perdre de l’événement. Parce que forcément, au moment où on ne l’attend plus, le voilà  : le mouvement. La foule est là . Elle contemple assise au milieu de la pièce ou debout au fond. Le respect est présent, imperceptiblement. Nous attendons tous la même chose. Nous sommes là pour vivre, à notre insu, un voyage initiatique.
Le plus grand panneau présente des promeneurs qui défilent au cœur d’une forêt accueillante. Des promeneurs de tous âges, nationalités, couleur de peau, identité sexuelle. Le mouvement perpétuel, « over and over again ».
En face, c’est « Le déluge ». Une façade de maison blanche d’où des personnes entrent et sortent. Sur le trottoir, le spectacle est permanent. Des bouts de vie, des bouts d’amour, des bouts de haine.
Sur l’écran d’à  côté, des ouvriers chargent un chalutier. En haut de la falaise, une maison habitée par un vieil homme, des visiteurs. Nous avons la possibilité de voir ce qu’il s’y passe grâce à une coupe du mur gauche, comme une maison de poupée.
Enfin, un point d’eau avec une ambulance, des sauveteurs, une femme d’un âge certain. Chacun effectue un acte, un geste particulier qui pourtant non répétitif parait, cependant, se réitérer sans cesse. L’ambulance s’en va. Les trois hommes et la femme se préparent à se coucher et s’endorment.
Soudain, je ressens comme une montée d’adrénaline. Je sais, j’en suis sure que c’est maintenant. Bref, crescendo, crescendo te voilà  !
Tout d’abord un bruit sourd, les passants qui activent leurs pas, puis qui courent. Ils fuient. Mais quoi ? Je ne tarde pas à l’apercevoir : des trombes d’eau qui déboulent de la porte ouverte de la maison blanche et qui happent tout ce qui se présente sur son passage. Des cris, des pleurs. Puis comme une baignoire qui a fini de se vider, tout redevient calme.
Dans la foulée, le tableau suivant prend vie, s’accélère : le chalutier quitte la rive. Un couple frappe à la porte de la maison mais son habitant est décédé. La panique puis plus rien. Le temps plus fort que tout reprend son cours.
Puis le dernier, des gouttes tombent et réveillent nos quatre assoupis, l’orage gronde, un corps sort de l’onde de la mare et monte au ciel.
Tous les écrans deviennent noirs comme pour nous sortir de la torpeur, de la léthargie dans laquelle nous sommes tous tombés.
Deux autres films me tendent les bras. Les éléments forts et vivants, notre nature intrinsèque est là . « Tristan ascension » et « Fire woman » offrent une histoire universelle.
Tristan est allongé sur une pierre tombale. Des gouttes d’eau sortent du sol et montent. Les minutes s’écoulent. Mais le temps n’a plus vraiment d’importance. Puis un déluge et le corps s’élève.
Une femme de dos face à un incendie de forêt. Des flammes géantes, frémissantes, menaçantes. Que va-t-il lui arriver ? Elle écarte les bras, tombe en arrière, droite, imperturbable, et s’écroule dans de l’eau. Les éléments sont encore présents.
Je continue ma route, tel un zombi !
« Three Women » s’offrent à moi comme un électrochoc. Un rideau d’eau et trois femmes d’âge différents qui se tiennent derrière en noir et blanc. Puis guidées par la plus âgée, elle traverse le passage vers la lumière. Elles sont alors en couleur. De la douceur, de la candeur, de l’innocence.
Les deux salles suivantes me semblent moins intenses. Encore que, ce plongeon « Departing Angel » et cet accalmie qui lui succède est bluffant, époustouflant. Le public est recueilli.
Enfin, puisque la fin est inéluctable, un tableau final perturbant « The Dreamers ». Des hommes, femmes, enfants, endormis sous l’eau. Sont-ils vivants ou morts ? Je ne suis pas restée longtemps.
Voici en quelques lignes tout ce que j’ai retenu de cette exposition unique en son genre. Sublime et inoubliable aussi.
A ne surtout pas rater !
Quelques images de vidéos :