Julie Otsuka | Entre nous … et les autres !

Julie Otsuka

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Julie Otsuka, américaine d’origine japonaise, est née le 15 mai 1962 à Palo Alto et a vécu en Californie. Elle a reçu, entre autres, le prix Fémina Etranger 2012 pour son deuxième roman « Certaines n’avaient jamais vu la mer » (« The Buddha in the Attic »). Une perle rare à dévorer d’une seule bouchée qui vous plongera dans un univers « particulier », la réalité, qui vous hantera le restant de votre vie. Bienvenue pour un long voyage sans retour.

Julie Otsuka a commencé par des études d’Art à l’université de Yale et a poursuivi en tant que peintre pendant plusieurs années. A l’âge de 30 ans, elle se tourne vers l’écriture. En 2002 elle publie alors son premier roman « Quand l’empereur était un dieu » (« When the emperor was divine »). Un succès. Elle récidive quelques années plus tard avec « Certaines n’avaient jamais vu la mer ».

C’est l’Histoire d’un groupe de jeunes japonaises venues à San Francisco pour se marier à des « photographies ». La réalité dépasse largement la fiction. S’enchaînent alors désillusion, souffrance, humiliation jusqu’à l’oubli.

Poignant ! Et pour le coup inoubliable tant l’atmosphère est à la fois légère et pesante. Chaque mot, chaque expression sont choisis avec tant de précision et d’amour pour toutes ces âmes perdues.

Une fois n’est pas coutume, je vous dévoile deux extraits :

« Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. Certaines venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart  d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté – hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. Certaines descendaient des montagnes et n’avaient jamais vu la mer, sauf en image, certaines étaient filles de pêcheur et elles avaient toujours vécu sur le rivage. Parfois l’océan nous avait pris un frère, un père, ou un fiancé, parfois une personne que nous aimions s’était jetée à l’eau par un triste matin pour nager vers le large, et il était temps pour nous, à présent, de partir à notre tour. »

« L’épicerie Harada a été reprise par un chinois nommé Wong, mais à part ça rien n’a changé et, quand nous passons devant la vitrine, il est facile d’imaginer que tout est exactement comme avant. Sauf que Mr Harada n’est plus parmi nous, et que tous les autres Japonais sont partis eux aussi. Nous parlons rarement d’eux désormais, bien que nous arrivent de temps à autre des nouvelles depuis l’autre côté des montagnes – des villes entières de Japonais ont surgi dans les déserts  du Nevada et d’Utah, dans l’Idaho ils ramassent les betteraves à sucre dans les champs, et dans le Wyoming on a aperçu un groupe d’enfants japonais grelottants et affamés qui sortait de la forêt au crépuscule. Mais ce ne sont que des rumeurs, et ce n’est pas forcément vrai. Tout ce que nous savons c’est que les japonais sont là-bas quelque part, dans tel ou tel lieu, et que nous ne les reverrons sans doute jamais plus en ce bas monde ».

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